Comme l’écrivait Bruno Bettelheim dès les années 1950, « connaître l’autre – ce qui est différent d’avoir des connaissances sur l’autre – ne peut être fonction que de la connaissance de soi […]. Si nous voulons comprendre l’être humain dans toute sa complexité, nous devons nous rabattre sur la plus ancienne méthode pour comprendre l’homme : se connaître soi-même afin de pouvoir connaître l’autre. C’est pourquoi tout retard dans la connaissance de soi signifie un retard dans la connaissance de l’autre¹ ».

Ainsi, mener des cures psychanalytiques, sur le divan ou des psychothérapies orientées par la psychanalyse nécessite, pour l’analyste, d’approfondir en permanence la connaissance de soi auprès d’un autre psychanalyste, et de partager et enrichir son expérience professionnelle au moyen de lectures, séminaires, groupes cliniques et formation continue.

Un travail de supervision individuelle des pratiques, également appelé « contrôle », s’avère indispensable et formateur pour tout professionnel de la santé psychique et plus largement de la santé en général (les maux du corps sont parfois liés aux souffrances psychiques et certains soignants sont en difficulté par rapport à cette part obscure du psychisme qui intervient sur le corps et parfois entrave son fonctionnement²). Il s’agit notamment, dans la rencontre avec des patients, enfants ou adultes, de décoder les enjeux inconscients et les émotions parfois brutales et incontrôlées que suscite toute rencontre avec la souffrance humaine. En psychanalyse, ces émotions font partie de ce que nous nommons le contre-transfert, quoi que Lacan critique cette notion, préférant lui substituer celle du désir de l’analyste. Lire à ce sujet l’article de Géraldine Cerf de Dudzeele³

Elle mentionne une première utilisation du terme de contre-transfert par S. Freud dans une lettre à G. Jung, son ami alors empêtré dans une relation amoureuse avec sa patiente Sabina Spilrein. Cette anecdote de l’histoire de la psychanalyse a été traitée par D. Cronenberg en 2011 dans son film intitulé « The dangerous method ».⁴

¹ BETTELHEIM B., La Forteresse vide, 1967

² Cf mon article sur Nicole, jeune adolescente prise en charge dans les années 1950 dans le service de Jenny Aubry, souffrant d’une tumeur cérébrale et conjointement, de troubles psychiques. E. GAYET, « Le cas Nicole », dans Cahier du collège de clinique psychanalytique de Paris, Vol XXIII, 2022.

³ CERF de DUDZEELE G., Contre-transfert et désir de l’analyste, 2007.

⁴ FREUD S., Lettre à Jung datée du 7 juin 1909.